Garder le propre tout en étant ouvert à l'étranger, telle est la gageure que doit relever toute musique nationale dans un contexte de mondialisation. Doit relever parce même si le choix de la résistance - voire du refus - a un sens (préférer l'ancien au nouveau), les moyens actuels de diffusion et d'écoute ne sont plus les mêmes. Un tempo approximatif, des instruments désaccordés peuvent passer en plein air ou face à un public acquis parce qu'en l'occurence là n'est pas l'essentiel, mais difffusés par un media anonyme, ils sont rhédibitoires . Or, aujourd'hui, c'est de cette manière le plus souvent que nous avons accès à nos airs préférés.
Entre parenthèses, ce choix entre tradition et modernité est d'ailleurs tout théorique. Même à Madagascar. La première musique que l'on écoute lorsqu'on est ado est souvent d'origine étrangère, parce qu'à cet âge on est encore persuadé de faire partie du grand ensemble de la fraternité universelle. Ce n'est que plus tard que l'on comprend qu'il y a des barrières et que l'on se trouve peut-être du mauvais côté. En ce qui me concerne, c'était la juju music de Fela Anikulapo Kuti parce c'était et africain et rebelle, mes valeurs de l'époque. Aujourd'hui, mes neveux sont incollables sur Lil Wayne ou Little Brother. (Je ne citerais pas un chanteur toujours bien coiffé - idole de ma petite nièce - qu'il est interdit de critiquer sur ce blog, parce que ses goûts à elle sont sacrés).
Je disais que c'était une gageure, parce que si le métissage est obligatoire le plus souvent, le résultat n'est jamais certain. La variété malgache en est la preuve. Elle ne ressemble à rien et doit faire la fortune des rares médecins ORL de notre pays, des gastro-entérologues aussi, tant elle est insupportable.
Parler de musique malgache comme si elle était homogène est d'ailleurs incorrect. Les différentes ethnies de l'île ont des traditions biens établies et il n'y a pas grand-chose de commun en la matière entre les complaintes des Antandroy du Sud-Est et les lamentations des Merina du centre. Tous ont intégré avec plus ou moins de bonheur cette nécessaire adaptation dont je parlais plus haut, mais l'ethnie qui a su conserver au mieux son âme, tout en ayant réussi à accrocher le wagon de la modernité est sans conteste celle des Betsileo, habitants des contreforts méridionaux des hauts-plateaux. L'évolution s'est faite en douceur. Leur musique est caractérisée par des choeurs d'hommes intégrant toujours une voix suraigüe et très peu de variations harmoniques.
Pour peu que vous soyez attentifs, la filiation entre les quatre exemples suivants devrait être évidente.
D'abord le groupe François. Très connu dans la campagne d'Isorana, ils se servent d'instruments fabriqués par eux-mêmes. Les crissements des violes, les premières mesures sont difficiles à supporter, mais vous verrez, on s'y fait. L eur musique est on ne peut plus traditionnelle. Les premiers explorateurs ayant visité leur région au 17 ou 18ème siècle ont dû entendre les mêmes rengaines.
Les ZMG ensuite - à peine plus urbains - ont introduit des instruments modernes, accordéon, guitare, basse et batterie en plus du traditionnel kabosy
ZMG : Agnalao Kely par rajefra
La qualité de la musique betsileo étant maintenant reconnue dans toute l'île, des producteurs locaux (feu Raoul des Mahaleo si je ne me trompe) ont offert à Raprosy un « maître » d'être enregistré dans un studio dernier cri. Cela reste du pur roots - et je ne m'en lasse pas - mais tout est ajusté au millimètre. Dans le genre, à comparer avec le premier clip.
Enfin la jeunesse d'aujourd'hui, nourrie au rap. L'exemple le plus caractéristique étant Oladad, dont il a déjà été question ici. Contrairement à beaucoup qui samplent à qui mieux mieux, eux ont choisi de s'accompagner de leurs propres instruments. Le fait que Raprosy apparaisse dans leur clip montre leur attachement aux valeurs immémoriales de leurs aînés. Tant qu'Oladad ne sera pas reconnu sur la scène internationale, je me poserai toujours des questions sur le showbiz, parce qu'à mon sens, ils le méritent réellement.
Entre parenthèses, ce choix entre tradition et modernité est d'ailleurs tout théorique. Même à Madagascar. La première musique que l'on écoute lorsqu'on est ado est souvent d'origine étrangère, parce qu'à cet âge on est encore persuadé de faire partie du grand ensemble de la fraternité universelle. Ce n'est que plus tard que l'on comprend qu'il y a des barrières et que l'on se trouve peut-être du mauvais côté. En ce qui me concerne, c'était la juju music de Fela Anikulapo Kuti parce c'était et africain et rebelle, mes valeurs de l'époque. Aujourd'hui, mes neveux sont incollables sur Lil Wayne ou Little Brother. (Je ne citerais pas un chanteur toujours bien coiffé - idole de ma petite nièce - qu'il est interdit de critiquer sur ce blog, parce que ses goûts à elle sont sacrés).
Je disais que c'était une gageure, parce que si le métissage est obligatoire le plus souvent, le résultat n'est jamais certain. La variété malgache en est la preuve. Elle ne ressemble à rien et doit faire la fortune des rares médecins ORL de notre pays, des gastro-entérologues aussi, tant elle est insupportable.
Parler de musique malgache comme si elle était homogène est d'ailleurs incorrect. Les différentes ethnies de l'île ont des traditions biens établies et il n'y a pas grand-chose de commun en la matière entre les complaintes des Antandroy du Sud-Est et les lamentations des Merina du centre. Tous ont intégré avec plus ou moins de bonheur cette nécessaire adaptation dont je parlais plus haut, mais l'ethnie qui a su conserver au mieux son âme, tout en ayant réussi à accrocher le wagon de la modernité est sans conteste celle des Betsileo, habitants des contreforts méridionaux des hauts-plateaux. L'évolution s'est faite en douceur. Leur musique est caractérisée par des choeurs d'hommes intégrant toujours une voix suraigüe et très peu de variations harmoniques.
Pour peu que vous soyez attentifs, la filiation entre les quatre exemples suivants devrait être évidente.
D'abord le groupe François. Très connu dans la campagne d'Isorana, ils se servent d'instruments fabriqués par eux-mêmes. Les crissements des violes, les premières mesures sont difficiles à supporter, mais vous verrez, on s'y fait. L eur musique est on ne peut plus traditionnelle. Les premiers explorateurs ayant visité leur région au 17 ou 18ème siècle ont dû entendre les mêmes rengaines.
Les ZMG ensuite - à peine plus urbains - ont introduit des instruments modernes, accordéon, guitare, basse et batterie en plus du traditionnel kabosy
ZMG : Agnalao Kely par rajefra
La qualité de la musique betsileo étant maintenant reconnue dans toute l'île, des producteurs locaux (feu Raoul des Mahaleo si je ne me trompe) ont offert à Raprosy un « maître » d'être enregistré dans un studio dernier cri. Cela reste du pur roots - et je ne m'en lasse pas - mais tout est ajusté au millimètre. Dans le genre, à comparer avec le premier clip.
Enfin la jeunesse d'aujourd'hui, nourrie au rap. L'exemple le plus caractéristique étant Oladad, dont il a déjà été question ici. Contrairement à beaucoup qui samplent à qui mieux mieux, eux ont choisi de s'accompagner de leurs propres instruments. Le fait que Raprosy apparaisse dans leur clip montre leur attachement aux valeurs immémoriales de leurs aînés. Tant qu'Oladad ne sera pas reconnu sur la scène internationale, je me poserai toujours des questions sur le showbiz, parce qu'à mon sens, ils le méritent réellement.
6 commentaires:
ZMG, François, Raprosy, je ne connais pô :-( Seuls le groupe Oladad a été promu par les médias (radios et TV) de Tana.
C'est grave. (C'est grave ?)^^
Ne pourrait-on pas faire la même consatation pour la musique merinas des hauts plateaux qui elle est extrèmement riche ?
Je trouve le groupe François très émouvant. De la musique à l'état brut, c'est devenu tellement rare.
Votre raisonnement se tient dans la mesure où modernité=occidentalisation. Or je ne suis pas certaine que ce soit le cas absolument. Vous laissez forcément de côté toutes les musiques qui essaient de trouver leurs voies autrement; de manière "autochtone" par exemple. Votre choix du chant betsileo n'est pas anodin: c'est effectivement le seul qui rentre si aisément dans vos cases. A contrario vous seriez très embêté de traiter des cas Mahaleo ou des néo-Kalon'ny fahiny en vogue actuellement dans la capitale. Dans les deux cas, vous ne pouvez nier leur modernité, vous y trouverez difficilement cependant la moindre influence occidentale.Qu'en pensez vous ? Amicalement
@airelle: grave ? Non, mais c'est le signe qu'il ne faut plus se contenter des médias traditionnels ;-)
@Pela: Je ne peux pas - pour l'instant -. Je ne connais pas un seul groupe qui y ait réussi la synthèse ancien/moderne, mais je cherche et ne désespère pas.
@Suzette: Bienvenue ! J'ai fait un constat et non cherché à théoriser. Confondrais-je modernité et occidentalisation ? Cela me surprend un peu, mais je refoule peut-être tellement que je ne m'en rends même pas compte.
J'aurais dû commencer par préciser que j'entendais par modernité, ouverture aux évolutions mondiales les plus récentes. Vous semblez privilégier plutôt le critère de l'audience.
Je suis comme tout le monde, j'adore les Mahaleo, mais moderne est le dernier qualificatif que j'utiliserais à leur égard. Apparus au début des années 70, ils n'ont jamais cherché à évoluer musicalement. Personne ne le leur demande d'ailleurs.
Le néo-kalon'ny fahiny n'est nouveau que par ses interprètes. Les paroles, elles sont reprises au mot près. Nous sommes beaucoup à penser qu'il est typiquement malgache, mais rien n'est moins vrai. Ses thèmes, sa forme, ses mélodies sont ceux de l'opérette légère (Luis mariano, Georges Guetary...) Ecoutez Harielatra de Ludger Andrianjaka et vous en serez convaincue.
Je ne connaissais pas le neo-kalonny fahiny. Merci pour les liens Laingama. J'ai ecoute et je t'avoue j'aidumal. Vous aimez ca ? LOLOLOL. OK je vais me concentrer encore un peu, mais je ne te promets rien, c'est tellement special.
Mais sursur, demain je change ce p... de clavier. Arrivederci
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