vendredi 12 décembre 2014

Cafés, Bars et autres lieux de perdition (1)

La masse bruissante d'une langue inconnue constitue une protection délicieuse, enveloppe l'étranger d'une pellicule sonore qui arrête à ses oreilles toutes les aliénations de la langue maternelle : l'origine, régionale et sociale, de qui la parle, son degré de culture, d'intelligence, de goût, l'image à travers laquelle il se constitue comme personne et qu'il vous demande de reconnaître. Aussi, à l'étranger, quel repos ! J'y suis protégé contre la bêtise, la vulgarité, la vanité, la mondanité, la nationalité, la normalité. La langue inconnue, dont je saisis pourtant la respiration, l'aération émotive, en un mot la pure signifiance, forme autour de moi, au fur et à mesure que je me déplace, un léger vertige, m'entraîne dans son vide artificiel, qui ne s'accomplit que pour moi : je vis dans l'interstice débarrassé de tout sens plein. 

Extrait de "L'empire des signes" de Roland BARTHES 

Intro pour faire mon intéressant (hé j'ai lu Barthes !) et pour annoncer des clichés d'endroits anciennement enfumés où j'adore laisser traîner mes guêtres et où dame inspiration vient me rendre visite parfois, i.e pas souvent. Des lieux français ou étrangers, mais toujours "ailleurs".

(cliquer pour agrandir)





















Le Comptoir Général, Paris Xème

1 commentaire:

Matt a dit…

Celui-là, faudra que j'aille le voir quand je passerai à Paname, believe me. J'adore.