Dernièrement, une ancienne camarade de classe, perdue de vue depuis le lycée, m'avait invité à partager un romazava. Craignant peut-être - à tort - pour sa vertu, elle crut devoir insister au téléphone pour m'apprendre qu'elle n'était plus célibataire, avait 3 enfants et que son mari et elle étaient de fervents chrétiens. Personne n'est parfait, lui glissai-je. J'ajoutai qu'une bonne bouteille me consolerait de l'affliction dans laquelle me plongeait son état matrimoinial.
Le jour dit, sonnerie, bisous bisous, sourires de circonstance, le temps de contempler les ravages du temps sur les visages des uns et des autres, et papotages comme il se devait à propos d'une école, d'une ville, d'une histoire qui n'étaient plus... Le mari était avenant; les enfants - de grands ados - pas trop mal finis, avec juste ce qu'il faut de cette moue si caractéristique de ceux arrachés à leurs consoles. Des gens sympas au fond... jusqu'au moment de passer à table. Pendant le bénédicité, je glissais un oeil gourmand sur le vin, et je dus littéralement étrangler un cri d'effroi. N'était-ce ma bonne éducation, je prenais les jambes à mon cou. Ces sauvages servaient du Cahors. Du romazava avec du Cahors ! Tant de siècles de civilisation pour en arriver là ! Le romazava, un plat d'ordinaire inratable, m'avait paru âpre comme du papier émeri*. J'aurais certes pu me rabattre sur l'eau minérale des parents ou le soda des jeunes, mais il y a des licences que même les désespoirs les plus profonds ne peuvent justifier... Il n'est pas impossible que nous ayions parlé à table, pris un dessert. A une certaine heure, j'ai dû prendre congé. A vrai dire, ces détails m'échappent maintenant. J'évite d'y penser afin de ne pas retarder le glissement salutaire de cette épreuve dans le néant de l'oubli.
Si vous trouvez ma sévérité un rien exagéré, vous n'avez pas tort. Non parce mes hôtes d'un soir ne le méritent pas, mais je me surprends, moi-même, à ignorer quel vin servir avec ce bouillon autant basique qu'ancestral. Preuve que je n'en abuse pas et que je n'accorde aucune importance aux on-dits - entre autres, celui qui impose qu'à ce met, il faut un petit blanc sec -. Du vin, je n'aime rien tant que le rouge. Le rosé en est une coupable adultération, et pour que le blanc ait sa couleur, je soupçonne un lavage infâmant au chlore. Je n'aime pas.
Alors amis civilisés, ma question est simple. N'ayant aucune envie de renouveler cette malheureuse expérience, mais soucieux de ne pas bannir de mon alimentation le plat national, je vous le demande: avec quel nectar le servez-vous ?
* la métaphore n'est peut-être pas heureuse, mais il me faut bien trouver une justification au fait que je l'ai terminée, cette bouteille.
Le jour dit, sonnerie, bisous bisous, sourires de circonstance, le temps de contempler les ravages du temps sur les visages des uns et des autres, et papotages comme il se devait à propos d'une école, d'une ville, d'une histoire qui n'étaient plus... Le mari était avenant; les enfants - de grands ados - pas trop mal finis, avec juste ce qu'il faut de cette moue si caractéristique de ceux arrachés à leurs consoles. Des gens sympas au fond... jusqu'au moment de passer à table. Pendant le bénédicité, je glissais un oeil gourmand sur le vin, et je dus littéralement étrangler un cri d'effroi. N'était-ce ma bonne éducation, je prenais les jambes à mon cou. Ces sauvages servaient du Cahors. Du romazava avec du Cahors ! Tant de siècles de civilisation pour en arriver là ! Le romazava, un plat d'ordinaire inratable, m'avait paru âpre comme du papier émeri*. J'aurais certes pu me rabattre sur l'eau minérale des parents ou le soda des jeunes, mais il y a des licences que même les désespoirs les plus profonds ne peuvent justifier... Il n'est pas impossible que nous ayions parlé à table, pris un dessert. A une certaine heure, j'ai dû prendre congé. A vrai dire, ces détails m'échappent maintenant. J'évite d'y penser afin de ne pas retarder le glissement salutaire de cette épreuve dans le néant de l'oubli.
Si vous trouvez ma sévérité un rien exagéré, vous n'avez pas tort. Non parce mes hôtes d'un soir ne le méritent pas, mais je me surprends, moi-même, à ignorer quel vin servir avec ce bouillon autant basique qu'ancestral. Preuve que je n'en abuse pas et que je n'accorde aucune importance aux on-dits - entre autres, celui qui impose qu'à ce met, il faut un petit blanc sec -. Du vin, je n'aime rien tant que le rouge. Le rosé en est une coupable adultération, et pour que le blanc ait sa couleur, je soupçonne un lavage infâmant au chlore. Je n'aime pas.
Alors amis civilisés, ma question est simple. N'ayant aucune envie de renouveler cette malheureuse expérience, mais soucieux de ne pas bannir de mon alimentation le plat national, je vous le demande: avec quel nectar le servez-vous ?
* la métaphore n'est peut-être pas heureuse, mais il me faut bien trouver une justification au fait que je l'ai terminée, cette bouteille.
6 commentaires:
Bon retour Laingama. Qu'il a été long ce silence. Si on parle bouffe, je veux être la première à commenter hahaha.
Bon, ici à la Réunion, à la maison, nous mangeons un romazava un peu spécial. Comme viande nous metton du boucané, c'est à dire fumé, je ne sais pas si tu connais. Tu devrais essayer un de ces 4, c'est succulent.
Mon mari le prend avec un rosé, toujours le même: du Gris de Boulaouane, un vin algérien ou marocain, je ne m'en souviens plus. Oups ! Tu n'aimes pas le rosé :-(
Moi à table je bois de l'eau. Mais qu'est ce que t'as contre l'eau ??? C'est bon l'eau lol
Bref, je ne t'aide pas beaucoup, mais quand on parle bouffe, je veux être la première à commenter héhéhé. Je te souhaite de résoudre cette quadrature du cercle.
P.S J'ai adoré ton billet. Il m'a fait mourir de rire :-)
L'alcool tue.
Salut Laingama . Je me demandais où tu terrais. Un peu de légéreté au milieu de tout ce chaos malgache fait du bien.
Après 10 ans de nomadisme tropical, j’ai définitivement abandonné la bonne bouteille de vin rouge pour un blanc plutôt sec quand je mange épicé (en 1 mot bien sûr… désolée, pas pu m’en empêcher), des curry, ou des plats malgaches tels que le henakisoa sy anamajinika. Il faut dire que le vin rouge sous 30°C à l’ombre passe assez mal.
Ma préférence va pour un bon petit Sancerre ou Bourgogne aligoté. Les grands vins me semblent un peu déplacés, mais bon, juste un avis. A Tana, j’aimais bien accompagner ces mets avec du Gris de Lazan’i Betsileo.
Mais je vois que cela ne répond pas complètement à ta cruciale question. Alors je vais faire mon coming out : Je déteste le roamazava !!!. ( Ne le dis pas à ma mère , cela risque de l’attrister… ) Et un de mes grands malheurs est d’arriver à un dîner, où on a spécialement fait ce plat pour me faire plaisir. Je me contente alors de picorer et de me jeter sur le vin, de cahors ou d’ailleurs, pour noyer mon désespoir.
> Pelaravo: Ouuuuiii le boucané romazava je connais. J'adore aussi, mais ça complique encore plus le choix du vin. Non ? Quand j'étais à la Réunion, je buvais surtout du rhum ( charrette...même pas du bon) mais j'étais jeune et stupide à l'époque.
Quant à l'eau, W.C Fields a déjà tout dit: i don't drink water, fish f... in it. Tu t'arranges comment avec ça ? :-)
> Naivo: Mais pourquoi avez-vous une voix d'outre tombe ? 0_o
>Rabri: Manger épicé... tu ne te fais pas ch... dis donc ! (je n'ai pas pu m'en empêcher, non plus. ;-)
A part ça, quand on connaît les vertus aphrodisiaques et antiparasitaires des brèdes mafanes et donc du romazava, je m'inquiète un peu pour toi. A tort ? gniek gniek
Le gris dont parle pelaravo est un excellent choix. Personnellement, c'est celui que je bois pour tout repas "exotique". Et si tu n'aimes pas le rosé (entre nous tu es bizarre), prends du Pinot noir. Ca fera l'affaire, il y en a d'excellents.
Concernant le vin blanc, je suis tout aussi bizarre que toi, ce n'est pas du vin.
En fait, il n'y a pas de règle, le romazava comme les autres plats de Mada n'étaient pas destinés à priori à etre sezrvis avec du vin, vu que les Malgaches n'en produisaient pas -dans le temps-. Chacun invente donc sa propre tradition.
Le Romazava s'accompagne avec un vin rouge à la limite rosé.
Ahem! quand à l'effet aphrodisiaque des brèdes mafana. C'est pas un plat pour certaine krkrkrk
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