lundi 19 janvier 2009

Pépite*

*sf (pé-pi-t'): Nom donné à des morceaux d'or natif sans gangue, quand chacun d'eux est plus grand qu'une paillette ; se dit aussi en parlant des autres métaux précieux...

... Et de ceci. Non ?
Ancêtres.

S'il avaient parlé la langue de la ville, ils auraient pu demander qui a créé l'homme blanc, d'où sort la force des automobiles, comment se soutiennent les avions dans l'air, pourquoi les dieux leur ont refusé l'acier.

Mais ils ne parlaient pas la langue de la ville. Ils parlaient la langue séculaire de leurs ancêtres qui n'étaient pas bergers ni ne connaissaient les cimes enneigés de Santa Maria. Parce qu'avant les siècles de la persécution et du pillage, les ancêtres avaient labourés les terres fertiles que les enfants des petits enfants ne connaissaient ni de nom ni de vue.

De sorte qu'ils ne pouvaient faire d'autres commentaires que ces plaisanteries moqueuses qui naissent de leurs yeux: ils regardaient les toutes petites mains de l'homme blanc, des mains de lézard et pensaient: Ces mains-là ne savent pas chasser. Ils pensèrent: Ils ne peuvent qu'offrir des présents que d'autres ont fabriqués.

Le chef et les trois hommes se tenaient au coin d'une rue de la capitale, sans peur. Le vertige de la circulation ne les effrayait pas plus que les voitures et les passants; ils ne craignaient pas que les gigantesques édifices se décrochent des nuages et les engloutissent. Ils caressaient du bout des doigts les colliers de dents et de graines plusieurs fois enroulés autour de leur cou, et le crépitement des avenues ne les impressionnait pas. Leur coeur avait pitié des millions de gens qui passaient au-dessus et en-dessous d'eux, devant, derrière, à côté d'eux, marchant, roulant à une vitesse folle. Qu'en sera t-il de vous, interrogeaient leur coeur, si tous les jours nous ne faisions naître le soleil ?
Eduardo Galeano

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je me souviens avoir lu avec ferveur, il y a bien des années Vagamundo, du même auteur. Un très beau recueil de nouvelles malheureusement introuvable aujourd'hui.

Cette courte nouvelle-ci est touchante, pleine de grâce et légèrement ironique. Je ne sais pas pourquoi mais lire des textes comme celui-là me donne de la pêche !