
Je suis tombé dans la marmite du jazz, un après midi d'automne de je ne sais plus quelle année, dans un petit appartement de la rue de Bellevue à Boulogne-Billancourt. Mon frère avait ramené un disque blanc avec une jolie photo dessus.
- Qui est-ce ?
- Pat Metheny, un guitariste. Bizarre, mais pas mal. Ecoute-le. Le bassiste surtout !
Pour nous, à l'époque, était bizarre tout ce qui ne s'appelait pas Jimi Hendrix, Ritchie Blackmore, Alvin Lee ou Jimmy Page. Nous n'étions pas dupes au point d'ignorer qu'une guitare pouvait servir à autre chose qu'à jouer du hard rock, mais on jetait bien des perles aux pourceaux, alors...
Ma réaction dès le premier morceau avait été pavlovienne:
- J'aime pô !
Et pourtant, en proie à un vague ressentiment, je l'avais remis. Je ne voulais pas l'admettre, mais le jazz était entré par effraction dans mon monde. Je me doutais que rien ne serait plus comme avant; que mes repères allaient en être bouleversés. Je venais de quitter - au propre comme au figuré -, le confort du binaire pour l'univers moins manichéen mais ô combien plus angoissant du ternaire. Angoissant, parce que j'allais me retrouver deb de chez les debs, ignare parmi les ignares; moi qui, quelques minutes auparavant, croyait tout savoir sur tout. Dans mes rêves, en effet, quelques années encore et je serais bassiste pro. Facile: il suffisait d'apprendre trois notes par coeur, de se laisser pousser les cheveux et de secouer la tête comme un malade. C'était largement dans mes cordes et ne voilà t-il pas qu'un escogriffe débarqué de nulle part se mettait à jouer comme personne, à placer la barre si haut qu'il était im-pos-si-ble de s'y hisser ! Pastorius - c'est de lui dont il s'agit - était tout simplement en train de flinguer mon avenir. Lecteur, mon admiration d'aujourd'hui a d'abord été de la haine. Deux ou trois notes sorties de sa Jazz Bass fretless me firent comprendre que j'allais devoir me remettre sérieusement aux études, et ça, pour n'importe quel noctambule-né, ce n'est pas drôle.
Revenons au disque. Bright Size Life est l'unique réalisation du trio Metheny/Pastorius/Moses. Les deux premiers se croiseront à maintes reprises par la suite, mais étrangement Bob Moses - pourtant excellent - disparaîtra assez vite de la scène musicale. Et ce qui est remarquable, c'est que ce premier jet est un coup de maître. Des trois apports, celui de Pastorius est peut-être le plus novateur. Même si les Ron Carter, Eddie Gomez et NHOP, avant lui, avaient cessé d'être de simples accompagnateurs besogneux, lui, poussera la logique à l'extrème et fera de la basse un instrument mélodique central dans le jazz moderne. Son art consommé du contrepoint et du contre-temps - plus jeune, il avait été batteur - font que tous les bassistes aujourd'hui ont une dette envers lui. Ici, son empathie avec Metheny est telle que guitare et basse semblent réellement ne faire qu'une seule voix - ou plus précisément, puisqu'elles sonnent différemment - semblent guidées par les mêmes neurones. Ajoutez à cela le jeu tout en finesse de Bob Moses et vous obtenez ce qui figure, aujourd'hui encore, parmi les plus beaux, les plus rafraîchissants enregistrements de l'histoire du jazz.
Les huit morceaux du disque valent tous le maximum d'étoiles. Les tempos dans Missouri Uncompromissed et Round Trip/Broadway Blues sont phénoménaux. Midwestern Nights Dream est est un délice d'inventivité et de virtuosité, mais mon préféré reste Bright Size Life, le morceau éponyme. Celui que j'avais détesté d'abord. Le voici:
- Qui est-ce ?
- Pat Metheny, un guitariste. Bizarre, mais pas mal. Ecoute-le. Le bassiste surtout !
Pour nous, à l'époque, était bizarre tout ce qui ne s'appelait pas Jimi Hendrix, Ritchie Blackmore, Alvin Lee ou Jimmy Page. Nous n'étions pas dupes au point d'ignorer qu'une guitare pouvait servir à autre chose qu'à jouer du hard rock, mais on jetait bien des perles aux pourceaux, alors...
Ma réaction dès le premier morceau avait été pavlovienne:
- J'aime pô !
Et pourtant, en proie à un vague ressentiment, je l'avais remis. Je ne voulais pas l'admettre, mais le jazz était entré par effraction dans mon monde. Je me doutais que rien ne serait plus comme avant; que mes repères allaient en être bouleversés. Je venais de quitter - au propre comme au figuré -, le confort du binaire pour l'univers moins manichéen mais ô combien plus angoissant du ternaire. Angoissant, parce que j'allais me retrouver deb de chez les debs, ignare parmi les ignares; moi qui, quelques minutes auparavant, croyait tout savoir sur tout. Dans mes rêves, en effet, quelques années encore et je serais bassiste pro. Facile: il suffisait d'apprendre trois notes par coeur, de se laisser pousser les cheveux et de secouer la tête comme un malade. C'était largement dans mes cordes et ne voilà t-il pas qu'un escogriffe débarqué de nulle part se mettait à jouer comme personne, à placer la barre si haut qu'il était im-pos-si-ble de s'y hisser ! Pastorius - c'est de lui dont il s'agit - était tout simplement en train de flinguer mon avenir. Lecteur, mon admiration d'aujourd'hui a d'abord été de la haine. Deux ou trois notes sorties de sa Jazz Bass fretless me firent comprendre que j'allais devoir me remettre sérieusement aux études, et ça, pour n'importe quel noctambule-né, ce n'est pas drôle.
Revenons au disque. Bright Size Life est l'unique réalisation du trio Metheny/Pastorius/Moses. Les deux premiers se croiseront à maintes reprises par la suite, mais étrangement Bob Moses - pourtant excellent - disparaîtra assez vite de la scène musicale. Et ce qui est remarquable, c'est que ce premier jet est un coup de maître. Des trois apports, celui de Pastorius est peut-être le plus novateur. Même si les Ron Carter, Eddie Gomez et NHOP, avant lui, avaient cessé d'être de simples accompagnateurs besogneux, lui, poussera la logique à l'extrème et fera de la basse un instrument mélodique central dans le jazz moderne. Son art consommé du contrepoint et du contre-temps - plus jeune, il avait été batteur - font que tous les bassistes aujourd'hui ont une dette envers lui. Ici, son empathie avec Metheny est telle que guitare et basse semblent réellement ne faire qu'une seule voix - ou plus précisément, puisqu'elles sonnent différemment - semblent guidées par les mêmes neurones. Ajoutez à cela le jeu tout en finesse de Bob Moses et vous obtenez ce qui figure, aujourd'hui encore, parmi les plus beaux, les plus rafraîchissants enregistrements de l'histoire du jazz.
Les huit morceaux du disque valent tous le maximum d'étoiles. Les tempos dans Missouri Uncompromissed et Round Trip/Broadway Blues sont phénoménaux. Midwestern Nights Dream est est un délice d'inventivité et de virtuosité, mais mon préféré reste Bright Size Life, le morceau éponyme. Celui que j'avais détesté d'abord. Le voici:
13 commentaires:
Alors c'était bien ces vacances ? On commencait à languir :-). très bon billet. On sent que tu aimes et tu sais faire aimer. Je connaissais Pat Metheny parce qu'il a joué avec David Bowie. Il est donc forcément bon. J'ai encore du mal avec le jazz, mais c'est vrai que ce morceau est très frais. J'ai essayé de trouver les autres morceaux dont tu parles mais ils ne sont pas sur Youtube et Dailymotion, ou alors peut-être avec d'autres titres ? Je voudrais les écouter avant de commander l'album
Je ne connaissais pas. J'adore, mais comment as-tu pu me cacher ça ? Je t'aime aussi.
Was pasiert ? C'est la journée de l'amour aujourd'hui ? C'est que je ne voudrais pas le mettre dans l'embarras le laingama. Bon allez... je l'aime bien et pour le reste, ça nous regarde !
> @ Chrissie, essaie d'oublier la référence à Bowie, sinon tu risques de passer à côté. Même s'ils s'apprécient, ils n'ont absolument pas le même style : l'un faisait du rock (ou du Bowie, si tu veux), l'autre du jazz (aujourd'hui à ce que je sais il ne fais plus que du jazz)
Tu auras du mal à trouver cet album, mais pourquoi l'acheter ? Va sur Deezer.com, Fais une recherche d'album "bright size life" et tu pourras écouter les 6 morceaux autant que tu voudras. Sans préjuger de tes goûts, je trouve d'ailleurs que tu pourrais commencer par écouter tout l'album "American Garage", il est beaucoup plus facile d'écoute et il permet d'entrer en douceur dans l'univers de ce merveilleux guitariste. Et si tu aimes et que tu veuilles à tout prix avoir des enregistrements de ces morceaux, laisse une adresse mail à Laingama qui me transmettra. Je te les ferais parvenir d'une manière ou d'une autre :-)
>@ laingama, as-tu déjà visionné BSL en live avec Richard Bona à la basse ? Il est sur Youtube. C'est monstrueux!!! Metheny le joue aussi en duo avec Ulf Wakenius un guitariste peu connu mais époustouflant (ça y est j'ai épuisé mon stock de superlatifs)
Salut c'est Fara. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il soit ainsi, mais j'adore ton blog.
Eh ! Tu n'écoutais pas du tout ça à l'Esca, mais c'est vrai qu'à l'époque déjà tes goûts étaient bizarres lol ! Ton guitariste, il est trop compliqué pour la Malgache que je suis . Lolo sy ny tariny ihany ho aho ny anay bado. Sa ahoana ? Mais j'aimerais un jour que tu commentes l'annuaire, je suis certaine que j'adorerai. Ton article pas l'annuaire. Allez, je profite que mon mari n'aime pas surfer: je te fais un gros bisou parce que je t'aime depuis toujours.
Oh ! Dommage ! Mais c'est ton blog :-)
Matt, 1000 mercis. American garage est super. On fait comme tu dis et j'attends donc de tes nouvelles
Mail reçu. Pas cool. A un de ces jours.
analyse intéressante, mais peut-on dire que le jazz est meeilleur que le rock ? Ce sont deux "univers" différents me semble t-il. N'y a t-il pas en réalité que de la bonne ou mauvaise musique ?
Bright size life, Köln concert , Return to forever vers ce bon vieux Jazz-Rock … Sniff.
Une comète qui est venue nous visiter une dizaine d’année …
Merci Laingama de veiller au grain.
( faux anonyme, juste un clic trop rapide... )
Bright size life, Köln concert , Return to forever vers ce bon vieux Jazz-Rock … Sniff.
Une comète qui est venue nous visiter une dizaine d’année …
Merci Laingama de veiller au grain.
Ajoutons à ces noms, les Bulletin Meteo, 80/81, Purim, Garbarek... Quand ils l'abordèrent la Comète du jazz rock, ils formèrent une Procession que Michel-Ange, sans nul doute, aurait bien aimé peindre.
Ne pensons d'aillleurs pas qu'au jazz rock, le grand James, America... bri llaient de mille feux aussi .
>Ji-èf, je n'ai jamais dit que le jazz était meilleur que le rock. Un brin plus complexe, peut-être :-)
Touché ! See you on your private mail.
Ton blog est super, bien que je ne sois pas totalement convaincue que nos lectures Blek-Le-Rockestes et autres Zembla n’aient pas définitivement grillées des neurones qui n’auraient demandés qu’à s’exprimer…En tout cas pour ma part.
Trop fort aussi ton rappel au vénérable James Taylor. N’oublions pas ses associations avec des grands noms tels que les frères Brecker, les Sanborn et Steeve Gadd encore aujourd’hui. D’ailleurs que penses-tu du dernier Covers ?.
Il me revient ce morceau du Pat Metheny Trio ( Metheny, Charlie Haden, Billy Higgins ) , « James », en hommage à James Taylor. Issu de l’album Works.
http://www.youtube.com/watch?v=rAH6Ct5WqPc
Une autre version slpendide avec Mickael Brecker existe. Mais a disparu de la toile !!! Si quelqu’un le retrouve, ce serait top.
A plus zot tout.
RueLabodère, "james" aurait-il réapparu entretemps ? Il est ici : http://fr.youtube.com/watch?v=x3Cs1FE8pcE
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