L'enfer

L'une des personnes avec lesquelles je conversais hier soir avait ponctué sa réflexion d'un l'enfer, c'est les autres ! Je lui fis remarquer que sa citation, en l'occurrence, était inappropriée, mais je n'ai guère convaincu, je le crains. Les autres, d'ailleurs, s'étaient empressés de me traiter de coupeur de cheveux en quatre... Arf ! se sentir seul au monde, parfois ...
Devant mon écran, ce matin, j'éprouve le délicieux, l'enfantin, l'inutile sentiment d'avoir eu raison, en écoutant Sartre expliquer que:

l'enfer c'est les autres a été toujours mal compris. On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c'était toujours des rapports infernaux. Or, c'est tout autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre ne peut être que l'enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné, de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Quoi que je sente de moi, le jugement d'autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d'autrui et alors, en effet, je suis en enfer. Et il existe une quantité de gens dans le monde qui sont en enfer parce qu ils dépendent trop du jugement d'autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu'on ne puisse avoir d'autres rapports avec les autres, ça marque simplement l'importance capitale de tous les autres pour chacun de nous.

Si vous avez cinq minutes, écoutez l'extrait audio entier ici. C'est clair, inspirant, comme souvent, quand l'auteur développe lui-même son idée